Publié par
Jaleo

pages-de-pub-jazznews-winsberg-22Jaleo a toujours été un espace de liberté.

Conçu au début des années 2000, cet ambitieux projet devait permettre à Louis Winsberg, leader de Sixun, groupe phare du jazz expérimental français, d’établir des correspondances entre le jazz, le flamenco et les musiques modales. Plus précisément, il s’agissait d’opérer ce que le guitariste nomme une « greffe ». C’était pour répondre à un besoin impérieux : celui de retrouver les sonorités que tout enfant, et bien avant qu’il ne découvre le jazz, il entendait lors de ses voyages en Aragon et en Andalousie ou encore dans le Sud de la France. À cette époque où ses parents étaient liés à la famille gitane des Reyes (celle-là même qui fonderait plus tard le groupe de rumba catalane à succès, les Gypsy Kings). Pour revenir au flamenco, qu’il abordait à sa manière, instinctive, hors des sentiers traditionnels, Winsberg décidait de s’entourer de nouveaux musiciens et de réussir, grâce à leur concours, cette fameuse greffe entre de multiples influences allant du jazz à l’Inde en passant par l’Andalousie et le Maghreb. Une musique mûrie au soleil, bercée par la mer. Une musique où, inévitablement, devaient résonner les échos, proches ou lointains, de la guitare de Paco de Lucía.

« Paco, je l’ai toujours écouté, parce que je fréquentais des Gitans et que, pour tous les Gitans, il est un dieu », résume le guitariste. Cette admiration, qui remonte à la première jeunesse, ne s’est jamais démentie. A ses yeux, Paco demeure tout simplement unique. « Un jour, j’ai repensé à l’introduction de Solo Quiero Caminar, se rappelle-t-il, et ça m’a comme transpercé. S’il n’y avait pas eu ça, pas eu Paco, je n’aurais jamais monté Jaleo. J’adore des guitaristes de jazz comme George Benson, Montgomery West ou Pat Martino. Mais Paco n’a pas d’équivalent, des musiciens comme lui, on n’en voit pas un par siècle. »

Sans doute était-il écrit que Winsberg, attentif à ses émotions humaines et musicales, témoignerait un jour de cette influence du génie de la guitare andalouse. L’écriture de For Paco était d’ailleurs bien entamée lorsque son décès est survenu. Sur cette disparition d’autant plus traumatisante qu’elle était inattendue, Louis refuse de s’épancher, tâchant d’en rester à la musique. « Sa mort m’a bouleversé. Mais je ne veux pas verser dans le sentimentalisme, juste me rappeler que Paco a fait un don extraordinaire au flamenco, qui rayonne aujourd’hui dans le monde entier. » Cette absence de pathos constitue peut-être le plus vibrant hommage que l’on pouvait rendre à un artiste d’une grande noblesse empreinte de pudeur. La reconnaissance et le respect de Louis vont plus loin encore, jusqu’à l’audace, dont Paco témoigna jusqu’au bout de sa carrière. Ainsi, For Paco ne contient aucune falseta du grand maître, il n’est pas constitué par sa musique, ce n’est pas même un album de flamenco, au sens exact – s’il en existe un – du terme. Les formes rythmiques et harmoniques traditionnelles n’y sont exploitées que pour donner naissance à une musique aussi sincère que singulière. Cette démarche d’une grande subtilité se retrouve partout, en particulier dans le titre For Paco, souvenir d’une grande composition de Paco de Lucía (Zyryab) qui évite de la rejouer pour demeurer pleinement elle-même.

Mais For Paco est aussi le troisième album de Jaleo, ce qui suppose une confluence de sonorités excédant l’Andalousie. Winsberg y joue de la guitare, du oud, de la mandoline, du saz et du bouzouki, autant d’instruments correspondant à diverses régions (Maghreb, Turquie, Italie…), que le guitariste aborde toujours avec le même appétit de merveilleux : « Je joue du oud à l’aide du pouce et non d’un plectre remarque-t-il. J’en joue comme un enfant, sans avoir appris la technique qui lui est spécifique. J’adore la musique nord-africaine, mais je ne l’ai pas étudiée. Je suis toujours ravi de pouvoir écouter une musique et ne rien comprendre. Au départ, je ne connaissais pas les styles propres au flamenco. J’ai étudié cette musique en écoutant et en essayant de comprendre les rythmes, le feeling. Jaleo est le fruit de cet amour dépourvu de tout calcul. » Cette aventure a toujours été pensée comme devant être collective. S’il est le dernier membre originel du groupe, Louis entend qu’elle reste affaire de partages et de multiplicités, d’horizons musicaux toujours repoussés. Tandis que certains complices de longue date sont venus l’épauler pour ce nouvel album, ainsi les percussionnistes Miguel Sanchez et Nantha Kumar, de nouveaux liens se sont tissés, notamment avec le cantaor El Piculabé et Jorge Pardo, membre du sextet mythique de Paco de Lucía dans les années 80 et 90, qui a accepté de jouer de la flûte sur deux titres. L’harmonie prédominante reste toutefois celle qui règne entre la guitare, le chant et les percussions. « A force de jouer avec le percussionniste Prabhu Edouard et son frère Stéphane, explique Louis, j’ai ressenti qu’il était naturel de lier le flamenco à l’Inde. Entre les doigts du joueur de tablas, ceux du guitariste et les pieds de la danseuse, il s’établit une relation naturelle. Dans Jaleo, on trouve de la danse, du chant, mais je fais toujours des chorus. Pour moi, c’est un groupe de jazz. Aujourd’hui, celui-ci n’est plus seulement américain, il est italien, scandinave, français… J’ai besoin d’entendre d’autres sons, d’aller vers la Méditerranée.» La Méditerranée, encore et toujours. C’est à son écoute que tout a commencé pour Louis. C’est à elle qu’il revient avec ce disque, l’un de ses plus aboutis, gorgé des battements, trépidations, éclats de joie et fulgurances mélodiques dont résonnent ses rivages.

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