Ce dvd nous fait rêver et (re)vivre intégralement, sans fioritures, le concert triomphal de Sixun qui a été, en été 2009, un sommet du festival Jazz in Marciac. Il ne manque à l’ambiance que l’accent gascon, le rugby, le foie gras, l’arc-en-ciel des vins locaux (du blanc-jaune de Pacherenc au rouge presque noir de Madiran) et les vieilles pierres blondes de cette belle bastide médiévale du Gers devenue l’une des capitales mondiales du jazz, du métissage musical. L’essentiel est là : un public attentif et généreux, complice mais jamais conquis d’avance, qui sent autant qu’il écoute et (ce qui est rare en Europe !) qui ne claque pas des mains à contrecoeur ni à contretemps. Ce concert a été l’apogée d’une grande tournée faite pour fêter dignement la sortie, quelques mois auparavant, de « Palabre », neuvième disque de Sixun. On en retrouve ici le répertoire, bien mieux développé et magnifié par la magie du « live »… « Palabre » offre un voyage musical d’une rare diversité, il illustre en outre la longévité, la vitalité d’un orchestre auquel nous devons l’invention d’un « jazz-funk afro-parisien » et dont on commence enfin à mesurer l’influence dans notre paysage musical hexagonal : une musique dynamique, explosive, mais aussi très raffinée d’un point de vue harmonique et rythmique, qui suscite pas mal de vocations dans les nouvelles générations, et pourrait bientôt refaire de Paris ce qu’il fut dans les années 1980 : la capitale de la « sono mondiale ». Depuis ses débuts en 1985 sous le parrainage de l’école de jazz CIM et de son regretté fondateur Alain Guerrini, Sixun a parfaitement réalisé son ambition initiale, qui était de devenir en Europe l’équivalent de Weather Report : même instrumentation, assez idéale, même équilibre entre instruments acoustiques et électroniques, même virtuosité bien maîtrisée et surtout, même désir impérieux d’ouvrir les fenêtres du jazz à tous les courants d’air des musiques du monde. En bref, ce qui est si saisissant et séduisant chez Sixun, c’est cette synthèse jouissive de « fun », de « funk », de profonde spiritualité et de passion communicative pour une musicalité authentique et libertaire qu’à défaut d’autre mot on appellera encore longtemps « jazz ». Il suffira de réécouter « Sept fois c’est bon » pour vérifier que Sixun est avant tout l’héritier de ce qu’il y a de meilleur dans cette musique. Certains – dont je suis – appellent ça « le swing ».
« On ne peut être mauvais sur la scène du Festival de Jazz de Marciac : légèrement crispante (Nina Simone), gestionnaire des affaires courantes (Ray Charles), mais mauvais, jamais. Il aurait fait bien beau (dans le Gers) que Sixun, emblématique groupe français de jazz fusion (puisqu’il faut bien accoler des étiquettes sur les émotions) déroge à la règle. Ce n’est pas le cas.
Cet album restitue donc in extenso, et en huit pièces, un concert qu’on a dégusté après l’apéro, et avant le confit, l’un de ces rendez-vous où l’on est très près de considérer les six musiciens qui s’agitent sur la scène comme des copains, très doués musicalement, mais copains quand même. La guitare de Louis Winsberg débute avec délicatesse la tendresse malicieuse de « 7 fois c’est bon », puis se rappelle au bon souvenir des pseudos innovateurs de la guitare-synthétiseur, comme il laissera (« Orange canelle ») planer dans l’air gascon quelques bulles de flamenco. Juste avant, les claviers gorgés d’électronique de Jean-Pierre Como avaient embrasé « Paesana ».
Plus loin, ce sera le tour des percussions de Stéphane Edouard (le petit jeune de la troupe, qui a rallié Sixun voici cinq ans), ou du saxophone charnu d’Alain Debiossat, et de la basse de Michel Alibo (alors que la batterie de Paco Sery fera son intéressante à s’immiscer un peu partout), de se faire entendre. Car, chez Sixun, le plaisir est démocratiquement partagé, tant au niveau des signatures de partitions, que des soli. On a ici, et encore une fois, la démonstration éclatante et vibratile que ces ambassadeurs (ou pionniers, c’est selon) du jazz-funk afro-parisien (la dénomination est des musiciens eux-mêmes) gardent leur musique ouverte sur tous les mondes, toutes les émotions pyrotechniques, comme en témoigne simplement, et sans forfanterie, le solo de tambours de « Valsega », ou l’entièreté d’ « Essaouira ».
Appelons cela jazz ethnique, cela leur fera (peut-être) plaisir. Mais ne boudons pas le nôtre, de plaisir, à admirer le vol de ces virtuoses en liberté. Comme Sixun sait bien faire les choses, l’album s’accompagne de sa version DVD, comme pour mettre des images sur les émotions. »
Christian Larrède – Copyright 2016 Music Story
Disque : 1
1. Paesana
2. 7 Fois C’est Bon
3. Valsega
4. Orage Canelle
5. Futur
6. Sanza Univers
7. Essaouira
8. Jour De Soleil
Disque : 2
1. Paesana (DVD)
2. 7 Fois C’est Bon (Dvd)
3. Valsega (Dvd)
4. Orage Canelle (Dvd)
5. Futur (Dvd)
6. Sanza Univers (Dvd)
7. Essaouira (Dvd)
8. Jour De Soleil (Dvd)
- Sortie : 2009
- Label : Futur Acoustic